Cette année pour Rappelle moi le génocide, j’ai décidé de me focaliser sur l’histoire du génocide des Herero et Nama, réalisé dans le Sud-Ouest africain allemand, en actuelle Namibie, entre 1904 et 1908. Dans cette partie, synthèse du live du samedi 16 juillet, il s’agit de faire un focus sur l’existence des camps de concentration et des théories raciales dans ce génocide.
Découvrez les prémices du génocide ainsi que les personnes clés ici.

Suite à l’ordre de destruction destiné à tout Herero présent sur le territoire promulgué par le général Lothar von Trotha le 3 octobre 1904, les Herero se replient dans le désert du Kalahari, entraînant leur mort par déshydratation ou d’épuisement, par les actions des soldats allemands ou bien encore par empoisonnement des points d’eau. Des massacres sur la population civile n’ayant pas pris part à la guerre sont également relevés, en guise de représailles.

L’ordre est levé suite aux actions des missionnaires, les survivants Herero sont alors emmenés en divers camps de concentration et condamnés aux travaux forcés dès janvier 1905.
Ci-contre : Survivants Herero après leur fuite dans le désert aride d’Omaheke, dans le Sud-Ouest africain allemand (Namibie actuelle).© Collection J.B. Gewald/ Courtoisie de la Vereinigte Evangelische Mission Archiv, Wuppertal.DR
L’expression « camp de concentration » désigne un lieu clos, bien souvent de grande taille pour détenir une population ou communauté considérée comme ennemie dans des conditions déplorables. Ce n’est pas un lieu de mise à mort.
Hendrik Witbooi (Nama) se retourne après quelques mois d’alliance face aux allemands, en prenant conscience de la volonté de domination des colons : il va lancer à nouveau une guérilla qui va durer près de quatre ans. Il s’attaque aux Européens et aux fermes, par des pillages massifs. Les Nama s’appuient sur leurs connaissances du terrain pour tenir en embuscade les soldats allemands qui continuent malgré tout leurs violences sur les populations. Le 23 avril 1905, von Trotha menace les Nama du même sort que les Herero, de les envoyer en camps de concentration, sans y parvenir. Il quitte le Sud-Ouest africain le 19 novembre 1905.

En octobre 1905, Hendrick Witbooi meurt suite à une blessure au combat. Différents capitaines se succèdent et poursuivent la résistance. Ils sont malgré tout contraints de se rendre en mars 1906 et vont tous partir dans le camp de concentration de Shark Island.
Pourquoi des camps de concentration ?
- A cette période, le territoire est contrôlé par les Allemands qui cherchent à valoriser son image en garantissant une voie de chemin de fer et des structures modernes afin de favoriser l’implantation de marchands et citoyens allemands sur ce territoire.
- Pour y parvenir, il faut de la main d’œuvre, manquante en raison des nombreux massacres de von Trotha. C’est pour cela que les prisonniers Herero (hommes, femmes, enfants) sont internés dans les camps de concentration et envoyés en travaux forcés.
- 6 camps sont donc mis en place dans la péninsule de Shark Island, autour et à Swakopmund près de la côte, froide et désertique.

En novembre 1905, le nouveau gouverneur Friedrich von Lindequist coordonne l’organisation des camps et du travail forcé. Il ne partira qu’en août 1907.
Dans ces camps, aucun abri sinon celui improvisé par les prisonniers, tout comme une absence totale d’installation sanitaire. Les rations alimentaires sont insuffisantes, les prisonniers mal-vêtus et les viols par les soldats allemands extrêmement fréquents. La mort est présente en masse en raison de maltraitance, malnutrition et maladie.


Du côté des autorités allemandes, on considère que les Herero et prisonniers ont mérité ce châtiment puisqu’ils se sont attaqués aux soldats allemands. Le contexte de la colonisation et de la « course aux colonies » font qu’il y a une prédominance de la propagande pour chaque pays colonisateur. Quand les premières attaques et affronts avec les communautés vivants sur le territoire, les Herero ont été dépeint auprès des autorités en Allemagne et Europe comme des hommes sanguinaires, capables des pires atrocités et dont les Allemands ont été victimes sur place. Ainsi, leur sort en camp de concentration est perçu comme légitime suite au mal qu’ils ont « fait » aux soldats allemands.
Ci contre : Illustration propagandiste allemande montrant une femme de colon agressée par des Noirs (avant 1904).
Les prisonniers sont mis à disposition par l’armée allemande aux entreprises privées pour des projets de construction de chemin de fer ou d’aménagement du territoire comme par exemple l’aplanissement et le nivellement de Shark Island.

Les corps des prisonniers morts vont servir d’objets d’études médicales, sous la conduite de l’anthropologue eugéniste Eugène Fisher pour appuyer ses convictions sur les « méfaits » de la mixité raciale. Il réalise de nombreuses expériences sur la stérilisation des femmes dans un but eugéniste. Il va ainsi faire envoyer massivement des restes humains (dont les fameux crânes restitués en 2001 à la Namibie) pour la recherche anthropologique et des individus vivants pour les zoos humains en Europe, très en vogue à cette période. Eugène Fisher est également le futur professeur du docteur Josef Mengele, qui pratiquera des expérimentations génétiques criminelles à Auschwitz en 1943.
Qu’est ce que l’eugénisme ?
L’eugénisme regroupe une théorie et des méthodes qui tendent à améliorer l’espèce humaine en transformant son patrimoine génétique et donc en présélectionnant des critères favoris pour parvenir à un idéal humain « parfait ». Un focus sera fait prochainement sur cette pratique dans la série d’articles Esthétique de la haine, à retrouver sur le site.

Les camps de concentration ne seront fermés qu’en janvier 1908, leur maintien entraînant en réalité un manque de main d’œuvre en raison de leur taux de mortalité et freine ainsi le développement du territoire.
Cependant, bien que ces camps ne soient fermés qu’en 1908, les traitements inhumains à l’encontre des Herero et Nama ne vont pas s’arrêter : il faudra attendre quelques années de plus pour une première mise en lumière de ces atrocités, objet du prochain article sur ce génocide.
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