
“La haine a la capacité quasiment sans limite de déshumaniser ses victimes, d’annihiler tout mouvement élémentaire de sympathie et de compassion. Ce problème ne touche pas seulement les terroristes fanatiques, il fait partie de la nature humaine et menace le bien-être de tous en cette époque où prolifèrent les armes de destruction massive. »
La haine, comprendre et éliminer la haine, Rush W. Dozier, 2004
Représenter l’amour, les sentiments, des sensations matérielles, palpables par les différents sens humains ont fait l’objet de nombreuses représentations dans les arts plastiques. Une seule toutefois, l’est difficilement, de par les engagements politiques et surtout l’acte destructeur qu’elle peut motiver : la haine.
En plusieurs articles, je proposerai ici différentes pistes de réflexion sur la haine et ses représentations dans les images, ainsi que ses conséquences.
Qu’est ce que la haine ?
Le philosophe Jose Ortega y Grasset dans ses Etudes sur l’amour, en 1926 écrit ceci :
« Haïr, c’est tuer virtuellement, détruire en intention, supprimer le droit de vivre. Haïr quelqu’un, c’est ressentir de l’irritation du seul fait de sa simple existence, c’est vouloir sa disparition radicale. »
Jose Ortega y Grasset, Etudes sur l’amour, 1926
Ainsi, la simple existence de l’objet de haine tend à la volonté de sa destruction par la personne haineuse. En ce sens, la haine serait plus puissante que la colère, qui est un état affectif violent et passager, en conséquence du sentiment d’une agression ou désagrément, se manifestant par un vif mécontentement et de réactions brutales.
La psychanalyste Marie-Claude Defores nous éclaire :
«Il est important de distinguer l’agressivité, qui est une pulsion de vie, de la haine, qui est une forme de personnalisation. La haine peut prendre les formes les plus socialisées ; elle refuse le nouveau, tourne vers le passé, produit la répétition et dépersonnalise. »
La haine est donc selon Marie-Claude Defores, une force déstructurante et déshumanisante, dans le sens où la personne haineuse est en proie à une volonté farouche de destruction face à une autre personne du fait même de son existence.
Origine de la haine
Objet d’étude remis sur le devant de la scène de la recherche et de la vie en société suite à la résurgence de faits extrêmement violents et bien souvent revendiqués sous le prétexte d’une «épuration », la haine est cependant quelque chose d’inné et propre à la nature humaine. En effet, les recherches en cours en neurologie apportent des réponses sur l’origine de la haine, comme un reste du système nerveux primitif.
A partir de là, puisque la haine étant profondément enfouie en chaque individu, elle peut être attisée, utilisée comme moyen de pouvoir et /ou de domination à des fins diverses, principalement politiques y compris comme moyen de contrôle.
Ce qui nous intéresse ici particulièrement est la construction de la haine et ses conséquences, à travers les images à travers le temps. C’est à quoi va s’atteler une série d’articles, intitulés « Esthétique de la haine ».
Pourquoi vouloir représenter la haine ?
Pourquoi représenter la haine? A vrai dire, je ne sais pas si on peut représenter cela. Je sais que les artistes ont représenté les conséquences de la haine et c’est ce qui m’a poussé à réfléchir sur les possibilités de représentation d’une telle force. Appréhender cela peut être un moyen de la contrôler, la prendre à revers pour éviter qu’elle ne ronge l’humanité encore davantage. C’est l’un des objectifs du projet Terre de mémoires.
L’influence des images, sous quelque forme qu’elles soient, entendons ici représentations visuelles, n’est plus à démontrer à ce jour. Pour cette série, je commencerai par la photographie, par son rapport immédiat au réel et sa retranscription, qui a joué un rôle clé dans le champ social et celui de la haine, contribuant ainsi, à ses dépends, comme moyen de création et de sollicitation de la haine.
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